« Tu veux miner le moral de tout le monde ?! Je sais que c’est dur, que c’est dense, que tu as des soucis d’ordi et que tu veux bien faire mais tu ne dois pas à signer ton mail ‘Bichette – en mode dépité’ car c’est démotivant au possible ! Tu as un travail de représentation et tu te dois d’insuffler, comme je le fais au quotidien, le positivisme et la motivation. Donc, cela ne me plaît pas du tout, il va falloir travailler sur ta communication. »
Soufflante par Boss n°2 vendredi matin.
« Mais pourquoi tu as appelé Shannon ?!! Je n’ai jamais dit que je voulais que tu viennes travailler pendant la fermeture, je t’ai demandé si en cas d’urgence tu étais disponible ! Shannon vient de me faire tout un pataquès et j’ai perdu une demi-heure sur mon boulot ! Bref, tu n’avais pas à l’appeler ! Merde, alors ! »
Soufflante par Boss n°1 vendredi après-midi.
Il est bien loin le temps des compliments dithyrambiques du vendredi. L’orage qui couvait alors aurait-il mis tout le monde sur les nerfs ?…
Dimanche 25 juillet 2021 # IM’PASSE SANITAIRE J+4
En début de semaine dernière, par pure conscience professionnelle, je suis allée m’enquérir de la passation de mes tâches lors de ma semaine de vacances qui commence demain. Que n’ai-je pas fait là ! C’était comme un coup de tatane dans une fourmilière !
Pour la faire bref, absolument rien n’était prévu. Alors Shannon, tendue comme un string, s’est agitée dans tous les sens pour finalement pondre une pseudo-procédure à la n’importe nawak. Cameron et moi avons trouvé cela atterrant d’amateurisme, du jamais vu pour une boîte qui engrange des millions par mois.
Il va peut-être falloir qu’ils investissent un peu pour passer de la petite entreprise familiale à une PME qui tient la route parce que là, on commence à passer pour des guignols. Et à mettre les bonnes volontés à trop rude épreuve pour un salaire si maigre. Bref.
Revenons-en aux deux soufflantes qui résonnent encore dans mes oreilles. La première : mon ‘en mode dépité’ se voulait plus malicieux que caustique, j’étais d’ailleurs toute à ma joie d’avoir repéré cet appel d’offres issu de mon laborieux mailing du début de semaine jusqu’à ce que mon ordi me lâche encore une fois. D’où ma frustration. Mais Boss n°2 l’a mal comprise.
Quant à la deuxième, j’ai appelé Shannon – désolée si c’est elle ma RH – pour lui dire que j’étais partante pour travailler les deux semaines de fermeture, moyennant finances of course, mais qu’il fallait me le dire assez tôt pour que je puisse prendre mes dispositions. Elle aussi, elle a compris de traviole.
Bon, c’est peut-être moi qui ne m’exprime pas correctement, par mail et à l’oral donc. Je vais effectivement travailler sur ma communication, c’est-à-dire revenir à l’état de gargouille derrière mon standard.
Maintenant que j’y pense, même s’ils mettaient les moyens, je ne veux pas de leurs responsabilités qui signifient être astreintable et corvéable 24/7. Je ne veux qu’un boulot de stagiaire empotée à classer des factures et à pointer les Bic et les trombones qui manquent, 35 heures par semaine, point-barre.
Cette semaine de vacances va me faire le plus grand bien.
Enfin, j’espère… Bradley est bien rentré vendredi soir, moi j’étais un peu down après ma journée d’étrillage au taf et lui, de façon très inattendue, était détendu. Crevé, certainement. Le fait est que l’on a passé une soirée douce et tranquille. On a abordé vite fait nos vacances et le mois d’août dans la foulée, il n’a pas tiqué mais m’a quand même dit qu’il « s’excusait d’avance s’il était encore en mode connard pendant quelques jours, le temps de revenir à l’esprit civil »…
« T’inquiète, j’ai vu pire venant de toi ! » lui ai-je rétorqué. Mais la perspective de ne pouvoir obtenir de passe-sanitaire dans les temps pour ses vacances avec ses fils pour lesquels il doit aussi anticiper la première phase du vaccin pour leur rentrée début septembre, a fait naître une ride de mécontentement sur son front. Ça plus tout ce qu’il a à prévoir et à faire dans sa maison, j’ai bien senti que notre semaine de vacances en amoureux allait certainement pâtir de ce surbooking mental. Et moi aussi par extension.
Du coup, tout ce que je vois se profiler à l’horizon, tous domaines confondus, prend la couleur grisâtre de l’amertume. Quand je sais qu’en plus de cela début septembre, l’anniversaire du décès de Maman va me tomber dessus et avec la quatrième vague du Covid annoncée à la rentrée, je n’ai que nuages dans ma tête. Et cela ne me convient pas du tout.
J’ai assez ramé pour trouver ma paix intérieure, il est hors de question que je m’en départisse. Je vais donc faire mon max pour tirer le meilleur de chaque chose en préservant l’unique chose qui compte, c’est-à-dire moi.
Me faire des vacances en mode désinhibé sans contraintes était un bon moyen. J’ai d’ailleurs trouvé la cops avec qui j’aurais pu partir, si ce n’est que ce n’est pas encore sûr de son côté. Bedelia, 46 ans sans enfants, sans trop de mec non plus, je me suis bien entendue avec elle quasiment depuis le début de nos pauses-clopes au boulot. Elle bosse dans une autre boîte à l’étage en-dessous du mien, on partage donc le même hall extérieur qui sert de fumoir.
Ainsi, il se peut que je passe mes deux semaines off toute seule. Je me tâte à booker un truc de dernière minute, genre Club Med pour célibs. Mais quand je regarde la tronche de mon compte bancaire, bah je me dis que non. Donc, chépa.
Sans compter que mon passe sanitaire à moi ne sera valide qu’à partir du 13 août, ma deuxième injection étant prévue le 6 août. Je pense que très vraisemblablement, je retournerai au Normandy Beach du 9 au… je verrai. Car qu’on se le dise, le passe sanitaire sera obligé dans les hôtels et les campings mais pas pour les chambres d’hôtes ! C’est débile mais c’est comme ça.
C’est pour cela que le week-end dernier en rentrant justement de ma visite-éclair en Normandie où j’ai eu un temps radieux pour une fois, j’ai fait de la pub sur Facebook pour le Normandy Beach. Déjà parce que leur clientèle britannique qu’ils avaient ramé à faire revenir, annule en masse leurs réservations dues aux nouvelles restrictions du UK – quel dommage ! – et aussi pour inciter les Français à venir dans cette oasis où la convivialité ne tue pas la liberté…
Ah le vaccin ! Ah le passe sanitaire ! Nénette est vent-debout depuis une semaine, certainement suivie par Tonton Harry rentré péniblement de la Réunion en métropole pour l’été… Je comprends sa révolte mais ce n’est pas la mienne.
Si pour faire ce que j’ai envie de faire, on me dit qu’il faut que je fasse ça, que les paramètres sont ceux-là, bah j’obéis. Je suis con, je suis un mouton mais j’assume. En fait, je m’en fous. J’ai toujours été un bon petit soldat, par passivité et désintérêt total du moindre débat que par conviction pure et dure.
Je respecte tous les points de vue, toutes les vindictes, autant que les prises de position, les adhésions aveugles, si fondés ou pas l’un comme l’autre puissent être. D’où « l’im’passe sanitaire » qui à mon sens résume bien à elle seule la situation en France actuellement.
Moi, je me suis faite vacciner parce que c’était fortement recommandé par ma boîte, bien avant cette histoire de passe sanitaire. Donc on va dire que ça tombe bien. J’ai même demandé à Malcolm au taf de me faire le test sérologique pour voir où en était mon immunité après ma première injection. Il a failli tomber de sa chaise en voyant ma réactivité si immédiate : mes anticorps sont au taquet, j’en aurais presque trop, un comble !
Donc, il se peut que j’aie rencontré le Covid de façon asymptomatique et que je n’aie pas besoin d’une seconde injection, tellement mon corps a déployé une batterie de défenses immunitaires à faire baver de jalousie tout l’Institut Pasteur. Il se peut même que si je refais une sérologie après ma 2ème injection, je vais – je cite – ‘recracher’ des anticorps ! J’ai déjà recraché plein de trucs dans ma vie mais jamais d’anticorps, hmm…
J’en ai profité pour poser quelques questions à Malcolm. En tant que Directeur Scientifique, il est le mieux placé pour me répondre.
– Tu sais que je me demande si l’on ne m’a pas injecté un placebo ?… Je n’ai eu aucun effet secondaire, à part une douleur au point d’injection, je me dis qu’avec mon background d’allergies à tout ou presque, ce n’est pas normal, d’où mon interrogation. Qu’en penses-tu ?
– C’est peu probable. Dans quel but ?
– Bah de sauver des doses ?
– Mouais, nan, il n’y aurait aucun enjeu mercantile à faire ça. Et vu ton immunité, ça m’étonnerait. Dis-toi qu’il n’y a rien d’allergisant dans ce vaccin, il n’y a que la molécule, le reste c’est du gras !
– Ah bah c’est pour ça que j’ai grossi ?!
Moment léger dans ce petit bureau transformé en salle de tests. Et Malcolm de conclure : « Quand bien même, tu as encore de la marge parce que tu n’es pas bien épaisse. » Je l’adore, ce mec !
Même si je n’arrive plus à rentrer dans mes fringues. L’arrêt total de mes séances de gym-danse quasi-quotidiennes, les apéros à tire-larigot et l’effet indésirable à retardement de la Paroxétine doivent y être pour quelque chose, plus que le vaccin au beurre.
Bah ma pesée annuelle étant au 1er janvier 2022, j’ai encore le temps de rectifier le tir. D’ici là on sera re-re-confinés et les bars seront fermés donc plus d’apéros.
Sur ce, je m’en vais préparer mes affaires, départ demain midi pour Collonges-La-Rouge.