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Lundi 17 mai 2021 # BALADE AUTORISEE AU-DELA DE 10km MAIS AVANT 19.00 J+15
Pas allée au Normandy Beach ce Pont de l’Ascension. Le temps des plus hostiles, même pour la Normandie, ne m’inspirait pas vraiment. Si c’était pour rester cloîtrée dans ma chambre sans pouvoir mettre le museau et les pattes sur ma plage, bah je pouvais le faire chez moi.
C’est d’ailleurs ce que j’ai fait : jeudi roulage en boule en mode hérisson sur la banquette, vendredi traitement de ma paperasse perso et classement par le vide, micro-sortie samedi pour faire trois courses à côté et hier grand ménage à la Monk.
Le tout ponctué par mes nombreuses siestes. Et une seule séance de danse-gym sans grande conviction. Je ne sais pas trop pourquoi mais je ressens un grand état de fatigue ces derniers temps. Pas morale mais physique, une sorte de dodoïte aigüe. Je crois que je vais diminuer les doses de mélatonine, ça marche trop bien, ces cachets.
Mais en cours de journée hier, j’ai senti qu’il y avait aussi en fond une nouvelle crise de fibro à l’horizon très proche. Si proche qu’elle m’est tombée dessus ce matin en me levant au pied de biche. Moi qui étais gaie comme une écolière de retrouver ma chaise de bureau après ces quatre jours moribonds d’inactivité forcée…
J’ai mal partout. La lumière me tue les yeux, ma tête va exploser et j’ai l’énergie d’un paresseux paraplégique et dépressif. Mais pas le choix : j’ai gobé deux ibuprofène avec un guronsan et trois cafés comme au bon vieux temps du restaurant, et en voiture Simone !
La matinée a été sportive. Valait mieux, sinon je crois que j’aurais piqué du nez sur mon clavier ! Yep, débordée de taf comme la semaine dernière. Enfin ‘semaine’, disons les trois jours avant le Pont où j’ai eu l’impression de concentrer tout le taf que j’aurais dû abattre en ce bon mois passé à coincer la bulle.
Ils se sont enfin réveillés en me bombardant d’emails avec des tâches et des instructions en tout genre. Donc, mon premier boulot a été de séparer le bon grain de l’ivraie, c’est-à-dire de mettre de côté les laconiques du style « Voici ça et ça en prévision de ça. Allez, démerde-toi » et je me suis concentrée sur les urgences. Bien que personne ne serait mort si j’avais procrastiné un chouya.
Ils ont même réussi à me coller une migraine rien qu’à l’énoncé du sujet de ma première ‘conf-call’ vendredi. Mais bon, je ne vais pas me plaindre maintenant que j’ai un boulot digne de ce nom.
Dans deux jours, c’est la réouverture des terrasses. Certaines collègues me disent qu’elles ont déjà réservé leur table, bien déterminées à s’enfiler des mojitos jusqu’à… bah 21.00. Je leur conseille de penser à la parka car il risque de faire frisquet et humide. Quelle ironie ! Moi, j’attends l’après-Toussaint pour aller boire des coups en terrasse en t-shirt débraillé.
En revanche, dans deux jours, je fête les 10 ans de mon arrivée dans cet appart. Le 19 mai 2011… C’était il y a une éternité ! Au moins une douzaine de vies vécues, une trentaine de réaménagements style home-staging la plupart à la force de mes petits bras, dix-mille péripéties enchaînées, des tonnes d’alcool et autant de larmes comme de rires…
Je l’aime, mon appart. Il me coûte cher, surtout depuis que je ne rentre plus la paie flamboyante que j’avais lorsque j’ai signé le bail mais bon, je ne le quitterai que contrainte et forcée. Quoique… Y a deux nuits, c’était l’apocalypse chez la voisine du dessus que je connais bien, Cindy. Des hurlements hystériques, des cavalcades, des objets qui tombent ou des bousculades contre les murs qui en ont fait trembler les cloisons chez moi…
Et rebelote hier, matin et aprem. J’ai appelé Monsieur Champomy, la pie de l’immeuble, qui a dû se rendre à l’évidence lorsqu’il a reçu un mail de son voisin d’à-côté qui lui aussi venait s’enquérir de la même chose. Pas évident d’intervenir, rien ne prouve qu’il y a violences conjugales et connaissant un peu Cindy qui est très gentille mais pas très stable dans sa tête, il se peut qu’elle ait fait une crise à son compagnon du moment comme elle l’a fait avec celui de l’époque il y a quelques années. Kevin et moi on s’était même demandé ce qui se passait. Mais l’absence de tuméfactions sur le visage de Cindy avait arrêté là notre inquiétude.
Je ne suis pas une pie, je prends des cachetons pour dormir et l’appart est très bien insonorisé, elle n’y est donc pas allée de main-morte dans la scène de ménage pour que je l’entende ! Bref. Hier soir, il y a bien eu une ultime cavalcade, la porte a claqué et depuis, c’est le silence. Je ne sais quoi en penser. Sauf que j’ai déjà du mal, moi, à avoir une petite vie rangée, ce n’est pas pour ranger celle des autres, toute altruiste et serviable que je suis.
Ma vie est une bataille navale en pleine guerre des missiles à Cuba. Autant dire que je ne m’ennuie pas. Surtout depuis le 26 mars !
La semaine dernière avait pourtant bien commencé avec effectivement le bouquet magnifique de Bradley et le très touchant gâteau d’anniv improvisé de Yang :
Les deux hommes qui comptent le plus pour moi m’ont comblée, j’étais aux anges.
Mais dès le lendemain, j’ai compris que l’univers allait rétablir sa balance en m’assénant un coup de massue derrière les oreilles : impossible de boire la moindre gorgée de vin ou de bière, gluten ou pas, sous peine de haut-le-cœur avec une boule à l’estomac…
J’ai réitéré le surlendemain et pareil. Comme si mon corps disait stop à mes frasques éthanoliques trop nombreuses à son goût ces derniers temps. J’ai décidé de l’écouter et m’en suis allée me déboucher un Coke Zéro.
Et juste avant de partir quatre jours en mission, Bradley m’a chargée d’organiser la logistique de son déménagement le 5 juin prochain. Il a un peu hésité, pour la forme, à me confier une telle tannée mais devant mes suppliques, il a abdiqué : « Stoplé, donne à Bibi ! C’est mon cœur de métier, ça ! Je te fais un truc aux petits oignons et on voit ça quand tu rentres, d’ac ? »
Donc, entre mes siestes et mes trucs perso, j’ai calé ça. En fait, ça m’a pris presque tout le week-end. Bradley m’a appelé une fois ou deux, sauf hier soir quand il était censé rentrer chez lui et récupérer ses enfants.
Et ce matin, ouverture des hostilités. N’ayant toujours pas de news, je lui ai envoyé un texto pour lui demander s’il allait bien et pour qu’il me rappelle dès que. Deux heures plus tard, je l’ai appelé et j’ai eu droit à un « Je te rappelle dans 5 minutes ! », cinq minutes qui se sont transformées en une heure pour donner lieu à un étrillage en bonne et due forme. Je l’ai rappelé à ma pause-déj mais il n’avait pas baissé d’un ton. Ça m’a soulée fortement. Alors, je lui ai pondu cet email :
Re
Avant tout, je veux te redire que tu es un sale con. Dans ta bulle de stress, tu ne vois rien d’autre que tes emmerdes, incapable de voir ce que les autres, moi en l’occurrence, peuvent t’apporter de bien. Tu as passé 4 jours difficiles et tu as une grosse merde à gérer aujourd’hui, la belle affaire ! même si je comprends que tu ne sois pas dans un bon état d’esprit. Mais peut-être que moi aussi j’ai passé 4 jours à la con et que je n’ai qu’une seule envie aujourd’hui, celle de m’enterrer vivante au fond d’un trou ?… Et ce n’est pas pour autant que je t’ai sauté à la gorge, au contraire, j’aurais aimé que l’on se réconforte l’un l’autre, mais bon. Donc, ce n’est pas la peine de t’en prendre à moi quand tu es comme ça, de me parler comme tu l’as fait car c’est dégradant au possible, insupportable en fait. Je ne suis pas ton sous-fifre ni ton arpète et encore moins ton souffre-douleur. Je t’aurais bien raccroché au nez en te disant de me rappeler quand tu aurais été dans de meilleures dispositions car je te cite « Parfois, il vaut mieux être seul pour mouronner tranquille sans faire chier les autres ». Mais l’urgence de la situation a fait que. Je le saurais pour la prochaine fois, je t’enverrai un pdf, ce sera plus safe (pour moi). Bref, je ne sais pas trop ce que je suis pour toi en ce moment à part un punching-ball et cela ne me plaît pas du tout. Il va peut-être falloir apprendre à gérer ta colère, en tout cas à savoir sur qui il ne faut pas que tu te défoules injustement. Ceux qui n’y parviennent pas, j’ai déjà donné et la finalité est moche. Tu veux que je m’implique, que je me projette avec toi, bah pas comme ça, en tout cas. Je ne pense pas t’avoir demandé grand-chose jusqu’à présent, si ce n’est, aujourd’hui, de faire attention à ne pas me parler comme à un chien et que si cela devait se reproduire, à savoir t’en excuser. Je peux encaisser beaucoup et je t’accepte comme tu es, tout lunaire, soupe-au-lait et despotique que tu puisses être parfois. Je te demande juste de mettre la pédale douce avec moi, de me respecter un tant soit peu car sinon, je ne vois pas notre avenir sous les meilleurs augures. Re-bref, viens me chercher demain soir au boulot, on voit les détails sereinement à la maison et on booke dans la foulée. Si c’est impossible pour toi de laisser tes garçons seuls une énième fois pour une paire d’heures, dis-le moi et… bah je t’envoie un pdf de la logistique de ton déménagement sur laquelle, cela dit en passant, j’ai passé quasiment l’intégralité de ce pont de l’Ascension. (moi qui étais contente de faire ça pour toi et impatiente de te débriefer!) A+++ |
Sur ce, il m’a appelée. Là je me suis dit qu’il allait me sonner les cloches mais pas du tout, il tenait à s’excuser de ses propos blessants du matin.
– Tu n’avais pas à subir mes foudres, tu n’y étais pour rien, c’était complètement déplacé de ma part. Je suis profondément et sincèrement désolé, je te prie d’accepter mes excuses.
– Toi, tu as lu mon mail.
– Même pas ! Pourquoi ?
– Tu verras. Mais bon, oui, j’accepte tes excuses.
– Tu m’intrigues…
– T’inquiète ! Ça veut dire qu’on est connectés et ça, c’est chouette.
C’est chouette, oui, ça n’empêche qu’il y aura en ouverture demain soir une séance de remise à l’heure des pendules. Et s’il hausse le ton encore une fois, je lui claque le beignet. Forces spéciales ou pas, il ne me fait pas peur. Non mais.
Bref. Yang passe tout-à-l’heure dépanner mon ordi qui fait des siennes. Bien besoin du réconfort et du positivisme de mon BFF. Et apéro-geeks, je vais retenter la bière après sept jours d’abstinence… Amen (ène).