– Je veux mourir !
– Bah on ne fait pas toujours ce qu’on veut dans la vie.
Comme cela n’a pas l’air de la faire rire, je tourne les talons et je jette le contenu de son assiette à la poubelle.
Vendredi 8 mai 2020 – CONFINEMENT J+53
Devant mon évier, je cogite. Je suis inquiète, apparemment, elle ne veut plus rien avaler. Elle ne veut plus ou ne peut plus ? Mais comme je ne peux pas lui mettre un entonnoir dans le gosier et que je ne peux pas l’euthanasier, je ne sais pas trop quoi faire.
L’hypothèse du covid paraît maintenant bien moins plausible, même si ça expliquerait sa toux et son essoufflement. Quant à la montée en puissance de sa myélodysplasie, ça n’explique pas ses nausées. Son anorexie mentale, peut-être mais pas son asthénie qui est due, elle, à la myélodysplasie. Je tourne en rond, quoi.
Au bout d’un moment, j’en arrive tout de même à une troisième hypothèse, celle que j’ai formulée depuis le début ou presque : ce serait son cocktail de médicaments dont la dose pour certains a été doublée récemment, qui la détraquerait. Les troubles dont elle se plaint sont écrits en gros dans la liste des effets indésirables. Me voilà donc en prise avec un gros dilemme : qu’est-ce qui prime, que son taux de plaquettes remonte ou qu’elle puisse s’alimenter ? J’ai ma réponse, en fait.
Comme je ne veux pas prendre la responsabilité d’arrêter les médocs de ma mère sans avis médical, pas le choix, je dois appeler le 15 car on est férié. Pourvu qu’ils ne décident pas de l’envoyer aux urgences car je n’ai vraiment pas envie d’y passer le reste de ma journée ! La dernière fois, je suis restée six heures dans la salle d’attente avant de choper un médecin qui m’a dit :
– Ce n’était pas la peine d’attendre, on vous aurait appelée !
Bah dis ça au mec qui se planque derrière son ordi à l’accueil, c’est lui qui m’a vissée sur ma chaise !
Bref. J’appelle Toto avant pour l’informer de ma démarche puis j’ai un médecin au bout de sa life au téléphone qui me donne le feu vert :
– Oui, faites ça et prenez rendez-vous avec son médecin traitant pour faire le point dès que possible. C’est elle qui décidera s’il y a lieu de l’hospitaliser ou pas.
Je booke de ce pas une téléconsultation pour lundi après-midi. Bon, j’imagine que ce n’est pas seulement le fait de ses médicaments mais plutôt un medley de tout, Horton, myélodysplasie, médocs et fin de vie. Mais je veux quand même tenter. Je m’en vais donc enlever les trois quarts des médicaments de son pilulier.
– Allez Maman, tu as trois jours pour retrouver un peu d’appétit !