– On est toujours confinées ?
– En quoi ça changerait quelque chose pour toi, Maman ?
Mardi 5 mai 2020 – CONFINEMENT J+50
Si les murs n’avaient pas été en béton armé et les fenêtres en double-vitrage, voilà longtemps que j’aurais eu les services sociaux sur le dos, à supposer qu’ils n’aient pas été confinés eux aussi, à force de crier sur ma mère comme je le fais. Surtout ce midi où j’ai particulièrement été odieuse.
Je ne parviens toujours pas à faire le gros dos. Je m’en veux, bien sûr et je remercie à nouveau chaleureusement Mère Nature de ne pas m’avoir dotée de pulsions meurtrières. De toute façon, j’ai tellement mal aux bras que je ne pourrais même pas lui coller une tarte.
Qu’il me tarde de ne plus être ce roquet colérique ! J’ai hâte de sortir de cet enfer qui me broie chaque jour un peu plus, j’ai hâte de reprendre ma vie ou d’en inventer une autre, j’ai hâte hâte hâte !
J’ai oublié ce que j’aimais faire avant, ce que j’aimais être. J’ai oublié que j’avais plus de mots doux dans le coeur que de mots durs dans la bouche. J’ai oublié ce que c’était que d’être en vie et d’aimer, j’ai oublié tout ça.
J’aimais chanter, j’aimais danser, j’aimais rire aux éclats, déguster du vin, flâner au hasard des rues, découvrir des passages secrets, prendre en photo tout et n’importe quoi, j’aimais tout ce qui avait quatre pattes, j’aimais prendre le temps de buller, j’aimais faire des bouquets de bleuets et de coquelicots, cueillir des noisettes, j’aimais aller me perdre tout au bout de Noirmoutier et imaginer que j’étais un goéland prêt pour sa première traversée de l’Atlantique…
Je veux retrouver tout cela.