« Cuando me aqui ? » est à peu près toute l’étendue de mon espagnol. Il paraît que cela ne veut rien dire en plus, me voilà mal barrée. Ah si, j’ai aussi « Hasta la vista, baby »… Pas mieux.
Mercredi 23 novembre 2022
11.50 Je viens d’atterrir à Alicante. Ai quitté Paris ce matin sous un crachin polaire pour me retrouver au soleil et 25°. Yeepa.
2 petites heures à tuer en attendant Zane qui revient de Johannesburg. Je grignote alors tranquillement mon sandwich végétal sur une banquette dans le hall des arrivées en échangeant des textos avec Bradley.
C’est bien, ces « temps perdus », ça permet de réfléchir, de laisser l’esprit bagauder sans contraintes et peut-être de dégager l’essence de ce qui doit être retenu. Très peu donc de temps morts dans cette période particulièrement dense, je n’ai rien vu passer d’octobre ni de novembre.
Et pas eu le temps, de toute évidence, de distiller ce qui se passe avec Bradley. Pas seulement la fois où l’on s’est revus après plus d’un an, mais également tout ce qui s’est enchaîné ensuite jusqu’à aujourd’hui…
Une question me taraude : un ex qui revient, on appelle ça un « re » ?…
Je l’ai pressenti à la seconde même où j’ai décroché le 21 octobre dernier, il a bel et bien changé et c’est effectivement son « moment ». Sa prise de conscience. Et par une coïncidence inespérée, c’est la mienne aussi.
Il y a bien eu cet acte manqué de ma part… J’avais tellement à cœur de lui faire partager mon quotidien que je lui ai donné l’accès à mon blog, à la partie Bichette 2.0 [Reboot]. Sans penser qu’il puisse trouver le chemin jusqu’à l’ancienne version, celle dans laquelle je me suis épanchée à son propos plus que vertement. Mais il l’a trouvé.
Il a tout lu. J’étais horrifiée quand j’ai entendu ses larmes au téléphone. Il m’a demandé pardon encore une fois. M’a dit qu’il n’avait pas réalisé avoir été un tel abruti avec moi, qu’il s’en voulait terriblement de m’avoir conduite à ressentir ça de lui, et qu’il espérait de tout cœur que je ne lui en veuille pas.
Je ne suis pas d’une nature rancunière, et en ce qui le concerne, je dois bien reconnaître que j’ai la rancune d’un poisson rouge. J’ai cependant une mémoire traumatique qui, même si elle ne guide pas mes pas (de fuite !), me fait désormais affronter les choses potentiellement dangereuses pour mon équilibre émotionnel, en mode Walkyrie. Car c’est fini, je ne me laisserai plus faire.
Je n’ai pas oublié l’ignoble individu qu’il a pu être avec moi. A vrai dire, je reste un peu sur la réserve, je l’observe, mine de rien et je sais qu’à la première incartade, je lui volerai dans les plumes. Confiante et méfiante à la fois.
Mais jusqu’à maintenant, je dois dire que ça va. Il est même l’antithèse de lui-même d’il y a 2 ans. Il me surprend. Par sa bienveillance, non-feinte, par le réel intérêt qu’il semble me montrer, par ces mots que je ne connaissais pas dans sa bouche, par ce je-ne-sais-quoi d’apaisant et d’apaisé, par cette soudaine candeur dont j’ai longtemps souhaité qu’il se revête…
Bref, le voilà détendu du string, et ça lui va bien.
Alors, ce n’était pas mon intention de le blesser avec mon blog mais c’est finalement peut-être une bonne chose qu’il l’ait lu. De son propre aveu.
Joan m’a dit « You can love someone but you don’t like him » et ça a fait tilt : c’est exactement ça que je ressentais pour lui il y a 2 ans, d’où le “Toi et moi, on n’est pas amis”… Aujourd’hui, je me surprends à le « liker » et l’on partage une connivence que je n’aurais jamais pensée possible nous concernant.
Est-ce cela, le véritable amour ? Le Love et le Like en même temps ?…
Est-ce aussi une question de timing ? J’ai toujours été grande fan de cette histoire qui, dans notre cas, colle parfaitement à la réalité : deux personnes se rencontrent, vivent une histoire, l’un des deux pour x raison n’est pas prêt, ils se séparent. S’ils ont de la chance, ils se retrouvent des années après et là, c’est l’autre qui n’est pas prêt, ils se séparent à nouveau. S’ils ont énormément de chance, ils se retrouvent encore des années plus tard et miracle, les deux sont prêts.
Bradley et moi sommes donc extrêmement chanceux. Saurons-nous le reconnaître et en faire quelque chose ? Bref, les choses entre nous s’incrémentent petit-à-petit, sans crispations. C’en est même bluffant de naturel.
On parle beaucoup. Le classique « de tout, de rien » mais également et surtout, des choses importantes, de ce que l’on ressent, de ce que l’on veut et ne veut pas, des erreurs du passé et des leçons tirées. C’est d’ailleurs lui qui aborde ces sujets la plupart du temps.
Chez moi, il y a toujours les quinze couches de sédiments à traverser avant d’atteindre le noyau, un filtrage incontournable perfectionné au cours d’une vie de blessures, et rebelote dans l’autre sens lorsque je dois restituer, mais je fais réellement des efforts pour accélérer ces deux process.
Ainsi, lui et moi parvenons désormais à échanger sur un niveau de complicité et de respect jamais atteint.
Et l’on en est venu à la conclusion que cette histoire d’amour qui défie le temps, ce foyer patiemment construit et nourri au fil des ans, bah c’était notre histoire. 25 ans avec un gap de 20 ans pendant lequel, lui comme moi, avons emprunté d’autres chemins, nous nous sommes faits d’autres choses pour au final nous retrouver, changés, mais intacts dans ce qui nous lie.
C’est même une chance inouïe. Combien de ces « vieux » couples, de nos temps, perdure ? J’ai des exemples autour de moi à faire se contorsionner de douleur les pages du livret familial… Mais la longévité est-elle aussi importante, en fait ? Détermine-t-elle la qualité et l’intensité d’une histoire ? J’imagine que cela dépend de chacun en son for intérieur.
Les mœurs ont changé. Les possibilités presque infinies de se faire, de se défaire et de se refaire, les sollicitations de toutes parts à chaque instant du jour et de la nuit – et si l’herbe était réellement plus verte à côté ? – l’ultra consumérisme où l’on jette plutôt que l’on répare, l’institution du mariage qui n’a plus d’institutionnel que la recherche de la robe parfaite et d’un menu 5 plats qui convienne à tous les invités…
Au 21ème siècle, on a le choix, on est libres. On peut se tromper et ce n’est pas la fin du monde. On ne veut que le meilleur, quant au pire… mais comment peut-on signer pour ça ?!? Bref, on a réussi sa vie si l’on a eu trois enfants, deux mariages, un voire deux divorces, le tout ponctué d’une ou plusieurs périodes de libertinage, comme une récompense après des années de séquestration sentimentale.
Je ne juge pas, j’ai fait partie du club. A part les enfants. Tiens, aurais-je fait, été autrement si j’avais eu un enfant de Bradley à l’époque, ou de Sean, ou de tout autre homme, d’ailleurs ? Aurais-je accepté l’inacceptable et/ou le médiocre si j’avais eu un enfant ? Me serais-je battue pour faire que cela marche avec le père ?
Moi, la mère-louve qui ne voit que l’intérêt de l’enfant, j’avoue que je ne sais pas. Car un enfant sera toujours plus équilibré avec des parents séparés mais heureux, qu’au sein d’une famille qui se déchire. Mais bon, la question ne s’est jamais posée et ne se posera jamais, désormais.
Pour en revenir aux couples qui durent, c’est pour Bradley quelque chose d’important qu’il envie particulièrement. Il est même très amer au regard de ses relations, si belles et intenses fussent-elles, qui n’ont pas duré sur le long terme. S’apercevoir que notre histoire à lui et moi, même si à parenthèses, était en fait le fameux Graal qu’il recherchait, a certainement été un déclic pour lui. Tout comme cela l’a été pour moi.
Fidèle à moi-même, pourtant. Je vis dans l’instant. A fond. Pas par peur de me projeter mais par choix. On a beau faire des plans sur la comète au doigt mouillé, la vie, pour moi en tout cas, est une succession de moments dont il faut savoir saisir et absorber toute la quintessence. En cela seulement, réside la difficulté. Vivre chaque chose quand elle survient, et pas avant ni après.
Pas que les bonnes, les mauvaises importent aussi. Il n’y a pas de ténèbres sans lumière et vice et versa. L’équilibre de l’univers. Bref, se dire que l’on est là, à ce moment précis, que l’on est en train de vivre quelque chose d’unique car éphémère, sans regretter l’avant ou espérer l’après. Plus qu’un art de vivre, plus qu’un mantra pour moi, c’est ce que je suis fondamentalement.
Alors, je frétille de trac et d’envie lorsque je vais le voir et je rayonne quand il est là. Les fameux papillons dans le ventre, j’aime ça. Je les revendique, même. Ils disparaîtront un jour peut-être, ou pas, pour laisser la place à leur upgrade, ou pas, peu importe, la sensation est délicieuse et encore une fois, parfaitement en symbiose avec celle que je suis.
Lui dit qu’il les a ressentis, ces fameux papillons, pour moi il y a 25 ans mais plus aujourd’hui. Car il est entré dans le dur, dans les fondations, le gros œuvre, quoi. Il « construit » son amour. Pour qu’il dure.
On diffère à ce sujet, sans être incompatibles. Les sentiments, qu’ils soient bleus, verts, rouges, à paillettes ou en imprimé léopard, s’ils sont là, mutuels, c’est tout ce qui compte.
Je vivrai donc les choses avec lui comme et quand elles se présenteront, quelles qu’elles soient.
Aussi, lorsqu’il m’a dit à la fin du dernier week-end passé ensemble (chez moi et Shushu avec ses boules Quiès :D) :
« OK, reprenons le chemin ensemble. Sans feuille de route, comme tu l’as dit. Je ne sais pas où cela nous mènera mais on verra bien. »
J’ai eu comme un cri du cœur : « Ah mais moi, je sais, c’est droit devant ! »
Zane m’a dit que ce mot « devant », en anglais « forward », me définissait entièrement. C’est tellement vrai !